En France, près de la moitié de la population est victime de troubles digestifs plus ou moins sévères. Et bien souvent, cela est causé par une flore intestinale déséquilibrée et fragilisée. On parle alors de trouble du microbiote. Mais alors, pourquoi et comment rétablir ce microbiote intestinal ?
Qu’est-ce que le microbiote intestinal ?
Également connue sous le nom de microbiote, la flore intestinale est l’ensemble des innombrables micro-organismes présents dans le tube digestif. Il s’agit principalement de bactéries, de virus, de champignons et de parasites non pathogènes. Ces derniers se localisent principalement dans l’intestin grêle et dans le côlon, plus rarement dans l’estomac dû à l’acidité gastrique.
Plus ces micro-organismes sont nombreux et diversifiés, plus la santé intestinale est assurée. A contrario, un trouble du microbiote intestinal se traduit par une prolifération excessive des éléments nocifs, un manque de diversification ou une réduction du nombre de ces micro-organismes utiles.
Des milliards de micro-organismes
La flore intestinale de l’adulte héberge plusieurs milliards de micro-organismes lesquels sont regroupés dans plusieurs centaines d’espèces différentes, dont les Firmicutes, les Bacteroidetes et les Actinobacteria. Ces micro-organismes vivent en communauté dans les intestins.
Regroupés sous forme de biofilms dans des matrices protectrices, ils s’accrochent aux parois du tube digestif pour ne pas être entraînés par le transit intestinal. Par ailleurs, la formation du microbiote n’est pas la même chez tous les individus. Elle ne s’étend pas non plus de façon homogène dans l’appareil digestif, avec notamment une densité plus importante au niveau du côlon.
Des micro-organismes vivants qui évoluent avec le temps
Le microbiote intestinal évolue avec l’âge. Il se développe à la naissance, soit au contact de la flore vaginale et fécale lors d’un accouchement par voie basse, soit au contact des micro-organismes de l’environnement lors d’une césarienne.
Par la suite, les bactéries intestinales se forment et le microbiote atteint sa « maturité » dès l’âge de 2 à 3 ans. La flore intestinale va alors évoluer qualitativement et quantitativement avec les années, selon plusieurs facteurs :
- la diversification alimentaire
- la présence de pesticides et d’additifs dans l’alimentation
- l’hygiène de vie, la génétique
- l’environnement
- les traitements médicaux – dont la prise d’antibiotiques.
- La fluctuation des hormones sexuelles peut également impacter la composition de la flore intestinale.
Bien que cet écosystème soit vivant, le microbiote se stabilise à l’âge adulte, pour reprendre ensuite sa maturation et sa diversification à partir de 65-70 ans. De nouvelles espèces de bactéries peuvent apparaître à ce stade.
La plupart de ces micro-organismes du microbiote sont bénéfiques au bien-être et agissent dans l’équilibre de la santé intestinale, mais aussi dans le bon fonctionnement du système immunitaire (intestinal), ainsi que dans l’absorption de certains nutriments par l’organisme.
Pourquoi est-il fondamental pour la santé ?
Il existe une symbiose entre le bon fonctionnement de l’organisme et la flore intestinale. Certes, les moyens techniques pour étudier cette interaction sont encore limités à ce jour, néanmoins, les analyses actuelles suffisent à identifier les bienfaits de cet écosystème typique du tube digestif sur le bien-être en général. En effet, le microbiote intestinal agit à la fois sur les fonctions digestives, métaboliques et immunitaires.
Des bactéries indispensables au système digestif et à la synthèse des nutriments
Les micro-organismes qui le constituent participent à la digestion, en assurant la fermentation des résidus non digestibles et en favorisant l’assimilation des nutriments essentiels. En libérant dans le corps des acides gras à chaîne courte, cette fonction primaire du microbiote garantit le confort digestif au quotidien.
En outre, les bactéries interviennent dans la synthèse des vitamines K et B (B12, B8), dans l’hydrolyse de l’amidon et de la cellulose, ainsi que dans la régulation des voies métaboliques dont l’absorption des acides gras, du magnésium et du calcium.
C’est pourquoi un déséquilibre entre les bonnes et les mauvaises bactéries entraîne des troubles digestifs divers. Cela peut se traduire par une simple dérégulation à une pathologie transitoire ou définitive du système digestif.
Un pilier du système immunitaire
Le microbiote agit aussi en tant que barrière immunitaire de la paroi intestinale, en distinguant les bactéries pathogènes et potentiellement dangereuses à la santé de celles qui ne le sont pas (dites commensales).
Le microbiote est également indispensable au bon développement du système immunitaire systémique (rate, ganglions lymphatiques). Abritant plus de 60% des cellules immunitaires, la flore intestinale stimule ainsi de manière permanente le système immunitaire.
Un lien avéré avec l’inflammation
Un déséquilibre du microbiote peut être en cause dans des phénomènes d’inflammation1Mukherjee, Suprabhat et al. “Gut microbes as future therapeutics in treating inflammatory and infectious diseases: Lessons from recent findings.” The Journal of nutritional biochemistry vol. 61 (2018): 111-128. doi:10.1016/j.jnutbio.2018.07.010. En effet, lorsqu’il est en présence de pathogènes contenant des composés bactériens de type lipopolysaccharides (LPS), les macrophages de l’intestin déclenchent une réaction inflammatoire locale. Il s’ensuit une augmentation de la perméabilité intestinale, ce qui engendre le passage des bactéries de type LPS dans la circulation sanguine, provoquant ainsi des réactions inflammatoires ailleurs dans le corps.
Ainsi, une dysbiose intestinale, c’est-à-dire un déséquilibre du microbiote, peut potentiellement se traduire par des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin2Tomasello G, Mazzola M, Leone A, Sinagra E, Zummo G, Farina F, Damiani P, Cappello F, Gerges Geagea A, Jurjus A, Bou Assi T, Messina M, Carini F. Nutrition, oxidative stress and intestinal dysbiosis: Influence of diet on gut microbiota in inflammatory bowel diseases. Biomed Pap Med Fac Univ Palacky Olomouc Czech Repub. 2016 Dec;160(4):461-466. doi: 10.5507/bp.2016.052. Epub 2016 Oct 26. PMID: 27812084. (MICI), dont la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. C’est du moins ce que suspectent des études, même si les conclusions ne sont pas encore définitives.
D’autres troubles peuvent également apparaître en cas de dysbiose, dont les allergies très fréquentes chez les enfants de bas âge, les risques d’obésité, les maladies métaboliques et les cas d’infections diverses.
Les liens entre le microbiote intestinal et le cerveau sont à l’étude
De récentes études 3Berding, Kirsten et al. “Diet and the Microbiota-Gut-Brain Axis: Sowing the Seeds of Good Mental Health.” Advances in nutrition (Bethesda, Md.) vol. 12,4 (2021): 1239-1285. doi:10.1093/advances/nmaa181 ont même démontré une corrélation entre les risques de dépression et un déséquilibre de la flore intestinale. Il en a été conclu qu’en cas de stress intense, le microbiote va, en effet, envoyer des signaux de détresse aux neurones du cerveau4Capuco A, Urits I, Hasoon J, Chun R, Gerald B, Wang JK, Kassem H, Ngo AL, Abd-Elsayed A, Simopoulos T, Kaye AD, Viswanath O. Current Perspectives on Gut Microbiome Dysbiosis and Depression. Adv Ther. 2020 Apr;37(4):1328-1346. doi: 10.1007/s12325-020-01272-7. Epub 2020 Mar 4. PMID: 32130662; PMCID: PMC7140737..
Comment prendre soin de son microbiote intestinal ?
Compte tenu du rôle fondamental que la flore intestinale joue sur notre capital-santé, il est essentiel d’en prendre soin, par l’alimentation et par des traitements spécifiques, tels que la prise de probiotiques et de prébiotiques.
Prendre soin de son microbiote intestinal avec l’alimentation
Les probiotiques naturels
L’alimentation a un impact direct sur le microbiote intestinal. Si certains aliments aident à reconstituer la flore intestinale, d’autres entraînent son déséquilibre, d’où l’importance de bien choisir des aliments riches en probiotiques naturels. C’est notamment le cas des :
- yaourts contenant des ferments lactiques et des probiotiques.
- les laits fermentés comme le kéfir
- le kombucha, produit à partir de la fermentation de levures et de bactéries dans le thé vert et le thé noir, est une boisson gazeuse fortement recommandée pour optimiser la qualité de la flore intestinale
- le lait ribot
Les fruits, les légumes et les céréales
Les légumes riches en fibres, dont les pois cassés, les haricots rouges et blancs, les flageolets et les lentilles sont aussi à privilégier. En cas de dysbiose, une consommation quotidienne de céréales complètes est de mise, telles que le blé, l’avoine, le seigle, le riz sauvage, le quinoa ou l’épeautre.
Riches en calcium, en vitamine C, en phosphore et en potassium, les choux fermentés ou la choucroute sont incontournables pour diversifier les micro-organismes présents de la flore intestinale.
L’ail, l’oignon, l’échalote ou le poireau – sont d’excellentes sources de prébiotiques naturelles.
- Les prébiotiques sont des éléments non digestibles par l’organisme. Ils proviennent des aliments riches en fibres (dont les fruits, les légumes et les légumineuses) et servent de nourriture à la flore intestinale. Ils peuvent être pris sous forme d’aliment ou de complément alimentaire.
NB :En cas de trouble digestif avéré ou de microbiote trop affaibli, ces aliments ne sont pas systématiquement recommandés. Demandez conseil à votre médecin traitant le cas échéant.
Les probiotiques sous forme de compléments alimentaires
Les probiotiques sont des compléments de bactéries et de levures, à ingérer à une quantité suffisante pour rééquilibrer la flore intestinale. Ces derniers peuvent potentiellement permettre de repeupler et rééquilibrer la flore intestinale et soulager certains troubles digestif comme la diarrhée5Williams NT. Probiotics. Am J Health Syst Pharm. 2010 Mar 15;67(6):449-58. doi: 10.2146/ajhp090168. PMID: 20208051..
Ils sont constitués de micro-organismes vivants ayant une durée de vie limitée dans le microbiote intestinal (allant de quelques jours à 3 semaines selon les souches de bactéries) et doivent être parfaitement tolérés par l’organisme.
Pour être efficaces, les probiotiques doivent résister à l’environnement digestif, où l’acidité gastrique et les sels biliaires peuvent les déloger de la flore.
Dans le cadre d’une cure, il peut être intéressant d’associer les prébiotiques aux probiotiques, qui constituent la “nourriture” des probiotiques.
Conclusion
L’étude du microbiote intestinal est encore un sujet récent pour les scientifiques mais il est avéré qu’il joue un rôle primordial sur la santé digestive, le système immunitaire et potentiellement le bien être mental, bien que les études n’en soient qu’à leurs débuts.
C’est pourquoi il est primordial d’en prendre soin au quotidien. Pour cela, une alimentation saine constituée de fibres issues des fruits et des légumes est la meilleure façon de nourrir sa flore intestinale. En cas de déséquilibre, une cure de probiotiques peut également permettre de rééquilibrer son microbiote intestinal.
Références et sources
- 1Mukherjee, Suprabhat et al. “Gut microbes as future therapeutics in treating inflammatory and infectious diseases: Lessons from recent findings.” The Journal of nutritional biochemistry vol. 61 (2018): 111-128. doi:10.1016/j.jnutbio.2018.07.010
- 2Tomasello G, Mazzola M, Leone A, Sinagra E, Zummo G, Farina F, Damiani P, Cappello F, Gerges Geagea A, Jurjus A, Bou Assi T, Messina M, Carini F. Nutrition, oxidative stress and intestinal dysbiosis: Influence of diet on gut microbiota in inflammatory bowel diseases. Biomed Pap Med Fac Univ Palacky Olomouc Czech Repub. 2016 Dec;160(4):461-466. doi: 10.5507/bp.2016.052. Epub 2016 Oct 26. PMID: 27812084.
- 3Berding, Kirsten et al. “Diet and the Microbiota-Gut-Brain Axis: Sowing the Seeds of Good Mental Health.” Advances in nutrition (Bethesda, Md.) vol. 12,4 (2021): 1239-1285. doi:10.1093/advances/nmaa181
- 4Capuco A, Urits I, Hasoon J, Chun R, Gerald B, Wang JK, Kassem H, Ngo AL, Abd-Elsayed A, Simopoulos T, Kaye AD, Viswanath O. Current Perspectives on Gut Microbiome Dysbiosis and Depression. Adv Ther. 2020 Apr;37(4):1328-1346. doi: 10.1007/s12325-020-01272-7. Epub 2020 Mar 4. PMID: 32130662; PMCID: PMC7140737.
- 5Williams NT. Probiotics. Am J Health Syst Pharm. 2010 Mar 15;67(6):449-58. doi: 10.2146/ajhp090168. PMID: 20208051.